Retour sur Africa Check

Hausse des grossesses chez les adolescentes africaines : l'annonce de la BBC n'est pas prouvée

Cet article date de plus de 8 ans

Dans un reportage sur les grossesses adolescentes en Afrique du Sud, la BBC a récemment suivi le déroulement de la journée de Tshepiso Maloma, une fille-mère. Celle-ci fréquente une école destinée aux adolescentes enceintes, à Pretoria, et joue avec son petit garçon.

Aidée par sa mère, Tshepiso a réussi à rester à l’école et à obtenir  « des résultats impressionnants ».

Intitulé « Pourquoi les grossesses adolescentes sont en hausse en Afrique? », le reportage vidéo ne mentionne qu’une seule statistique (sud-africaine) datant de 2013 sur la grossesse.

L’annonce de l’augmentation du nombre de grossesses adolescentes en Afrique semble également contre-intuitive à la lumière d’une baisse globale du taux de natalité sur plus de deux décennies.

Y a-t-il eu une tendance à la baisse en Afrique également ? Ou bien le titre de la BBC.com est-il correct ?

71% des grossesses aboutissent à des naissances vivantes


Il est important de faire la distinction entre les grossesses et les décès, pour comprendre les chiffres sur les grossesses chez les adolescentes (les filles de 15 à 19 ans).

A cause des morts à la naissance, des fausses couches et des avortements, 71% des grossesses d’adolescentes en Afrique Sub-saharienne donnent lieu à des naissances vivantes, selon une estimation du Guttmacher Institute, une organisation américaine de recherche faite en 2007.

Le programme DHS, une enquête nationale sur la démographie et la santé, a effectivement collecté des données sur les grossesses adolescentes dans chaque pays. Ces enquêtes sur les ménages ont tenu compte de la première grossesse ainsi que de la maternité antérieure.

Toutefois, l’analyse « complexe » des données qui devrait être menée pour dire s’il y avait une hausse en Afrique n’est pas faite jusqu’à présent. C’est ce qu’a confié à Africa Check Erica R. Nybro, conseiller en communication du Programme DHS financé par l’Agence américaine pour le développement international (USAID).

Pas de «confiance totale» aux données sur les grossesses


Dans son reportage sur les filles-mères d'Afrique du Sud, la BBC annonce une hausse des grossesses adolescentes en  Afrique Dans son reportage sur les filles-mères d'Afrique du Sud, la BBC annonce une hausse des grossesses adolescentes en Afrique

Les enquêtes sur la grossesse présentent des défis importants. Certains d’entre eux sont sous-estimés.

 «On ne peut pas faire totalement confiance aux données sur la grossesse ou les vérifier », a indiqué le Docteur Venkatraman Chandra-Mouli, expert au département de la santé de la reproduction et de la recherche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’un des défis est dû, selon lui, au fait que « la plupart des femmes ont du mal à parler de leur avortement. Dans beaucoup d’endroits c’est à la fois stigmatisant et illégal ».

L’autre difficulté est la possibilité de collecter des données sur les fausses couches. Le Docteur Kristin Bietsch, démographe au Population Reference Bureau dont le domaine de recherche est orienté vers la fécondité en Afrique, a dit à Africa Check que « les réalités culturelles dans certaines sociétés empêchent tout débat sur la grossesse avant l’accouchement ».

Elle a cité en exemple une enquête en Afrique de l’Est au cours de laquelle seuls 50% des femmes enceintes de sept mois ont répondu positivement aux enquêteurs à la question de savoir s’il y avait une femme enceinte dans le ménage.

En Afrique Sub-saharienne, peu d’études ont tenté d’évaluer les grossesses adolescentes sur la base des données sur les naissances vivantes, des pertes de fœtus et des avortements, selon Adebayo Fayoyin, conseiller régional en communication de United Nations Population Fund (UNFPA). De telles tentatives sont « largement basées des données limitées tirées de petites études à l’échelle des pays » et ne conviennent pas pour avoir des tendances régionales dans la durée.

Le taux de natalité baisse de 139 pour 1.000 adolescentes à 109


Inversement, les données sur les naissances sont plus disponibles et plus appropriées pour comparer des tendances sur la durée et sur une base régionale.

En conséquence, il est fréquent de voir les chercheurs se focaliser ainsi sur les données concernant les naissances.

Ces chiffres montrent le taux de fécondité en Afrique Sub-saharienne a baissé : d’une estimation de 139 naissances pour 1.000 adolescentes entre 1990 et 1995, à 109 pour 1.000 pour la période 2010-2015.

La fécondité chez les adolescentes pour toute l’Afrique est plus faible que celle de l’Afrique Sub-saharienne. Et elle est également en baisse : de 122 naissances pour 1.000 entre 1990 et 1995 à 98 pour la période 2010-2015.

Ces informations émanent du Wold Fertitly Patterns 2015 du département des Nations Unies pour les affaires économiques et sociales, qui effectue un classement à partir « des recensements, enquêtes, des registres d’état-civil, des rapports d’analyse et autres sources d’un pays donné ».

(Note: Le reportage mentionne trois pays africains avec une légère hausse du taux de fécondité des adolescentes : Somalie, Zimbabwe et Lesotho. Dans une revue consacrée à la grossesse des adolescentes par l’UNFPA en 2013, les chercheurs ont relevé que le taux de fécondité d’un pays peut cacher des hausses dans certaines zones comme les provinces ou en milieu rural).

Les raisons de la baisse de la fécondité


Dans des situations où l’information démographique empirique est limitée ou n’est pas disponible, « des modèles et des mesures indirectes d’estimation de la fécondité ont été utilisés », a indiqué le Docteur Petra Nahmias, chargé des affaires démographiques au département des Nations Unies pour les affaires économiques et sociales.

Elle a ajouté que « même si on ne peut pas faire une interférence statistique concernant la baisse du taux de fécondité des adolescentes, on s’attend à ce que cette baisse soit vraie vu qu’elle est conforme aux changements dans d’autres déterminants liés comme le premier mariage et la scolarisation des filles ».

L’augmentation du nombre de filles scolarisées est citée parmi les raisons de la baisse du taux de fécondité chez les adolescentes dans la région, a expliqué Nancy Williamson, professeure associée adjointe au Gillings School of Global Public Health, de l’Université de la Caroline du Nord. « Et il y a une augmentation des connaissances et une meilleure utilisation de la contraception ».

Un démographe a cependant souligné qu’au rythme où ce taux décline depuis 1995, il faudra presque 50 ans (à compter de 2013) pour que la région atteigne les niveaux actuels de fécondité des adolescentes en Europe.

Conclusion: l'annonce d'une hausse du nombre de grossesses adolescentes en Afrique n’est pas basée sur les données disponibles


Le titre d’un récent reportage de la BBC sur les filles-mères en Afrique du Sud a annoncé par erreur que les grossesses adolescentes en Afrique sont en hausse. Le reportage ne couvre qu’un pays et ne compare pas les statistiques sur les grossesses d’adolescente dans la durée.

Cela dit, les données sur les grossesses en Afrique sont difficiles à obtenir à cause de l’enregistrement défectueux des fausses couches et des avortements, entre autres raisons.

En l’absence de données comparables sur les grossesses adolescentes en Afrique Sub-saharienne, les chercheurs ont opté pour l’utilisation des données sur les naissances pour déterminer les tendances.

Les meilleurs chiffres disponibles dans la région montrent une modeste baisse. Elle est d’environ 139 naissances pour 1.000 adolescentes entre 1990 et 1995 à 109 pour 1.000 pour la période 2010-2015.

Traduit de l'anglais par Assane Diagne

 

Republiez notre contenu gratuitement

Veuillez remplir ce formulaire pour recevoir le code de partage HTML.

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
limite : 600 signes
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Voulez-vous continuer à lire nos vérifications des faits ?

Nous ne vous ferons jamais payer pour des informations vérifiées et fiables. Aidez-nous à poursuivre cette voie en soutenant notre travail

S’abonner à la newsletter

Soutenir la vérification indépendante des faits en Afrique