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L’affirmation de Buhari est fausse : la presse nigériane toujours victime de harcèlement

Cet article date de plus de 7 ans

A la ville de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, le Président du Nigeria Muhammadu Buhari a dit, dans un discours, que les journalistes nigérians ne sont plus harcelés ou détenus sous son règne.

A l’ouverture du congrès de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), le 29 avril dernier, le ministre nigérian de l'Information et de la Culture, Lai Muhammed, a délivré un message au nom de M. Buhari, dans lequel le Président disait que son administration « n’a jamais songé harceler, à plus forte raison tuer un journaliste ».

« Les médias représentent les yeux et les oreilles du monde et tenter de les museler à travers le harcèlement, les arrestations et l’assassinat des journalistes, c’est comme rendre le monde aveugle et sourd », mentionne le discours de M. Buhari.

« Je peux affirmer devant ce congrès qu’aucun journaliste n’est emprisonné ou victime de harcèlement au Nigeria aujourd’hui ». « Ce gouvernement n’est pas une menace aux médias, et il n’envisage pas d’étouffer la liberté de la presse ou denier à quiconque ses droits garantis par la Constitution », assurait M. Buhari.

« Loin de la vérité »


Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) souligne que 19 journalistes ont été tués entre 1992 et 2013 au Nigeria. Sur dix cas, le motif invoqué est lié à l’exercice de la profession.

Parce que personne n’a été inculpé pour le meurtre de 5 journalistes, le Nigeria est classé 13ème à l’indice 2015 de l’impunité publié par le CPJ. Celui-ci met en relief les pays où les meurtriers des journalistes ne sont pas inquiétés.

La déclaration de M. Buhari selon laquelle son administration n’a tué aucun journaliste est vraie, mais le représentant du CPJ en Afrique de l’Ouest, Peter Nkana, a dit à Africa Check que celle relative au harcèlement des journalistes est « loin de la vérité ».

« Nous avons constaté que rien n’a changé concernant les attaques contre la presse au cours des 16 dernières années, depuis le retour de la démocratie [au Nigeria] en 1999 », a expliqué M. Nkanga.

« Les attaques se poursuivent toujours dans la plus grand impunité imaginable », selon lui.

« Chassés, battus, bousculés »


Au moment où le message de Buhari était délivré, la police de l’Etat de Kaduna accusait le journaliste Jacob Oniewu Dickson d’incitation pour un article rendant compte de jeunes en colère qui ont hué le gouverneur Nasir El-Rufai, le 27 avril, et jeté des pierres sur son cortège.

M. Dickson est actuellement en détention et son procès est prévu le 12 mai.

Le site web du CPJ signale d’autres cas où des journalistes ont été attaqués et arrêtés par les forces de sécurité depuis l’arrivée de M. Buhari au pouvoir le 29 mai 2015.

Le 1er juin 2015 à Abuja, la capitale du Nigeria, des agents de police s’en sont pris à Muhammad Atta-Kafin-Dangi, journaliste de Radio Nigeria, pour avoir tenté de couvrir une marche de protestation des conducteurs de moto (Okada).

« J’étais en train de recueillir des informations au carrefour Kuje à Gwagwalada, là où les conducteurs d’Okada sont en train de protester », a dit Atta-Kafin-Dangi cité par un journal qui l’a interrogé peu après l’incident.

« J’ai reçu des coups de pied, j’ai été battu et bousculé, entassé avec les suspects qu’ils ont arrêtés et jeté » dans un véhicule, a poursuivi le journaliste.

Le 25 juin, l’éditeur de Prime Magazine a été sévèrement battu dans les locaux de la douane à Badagry.

Yomi Olomofe enquêtait sur des informations relatives au soutien d’agents des douanes à des contrebandiers, à la frontière entre le Nigeria et le Bénin, quand des une quinzaine de personnes l’ont attaqué, lui et un autre journaliste qui était en face des officiers. Ces derniers ne sont pas intervenus. M. Olomofe a été battu jusqu’à ce qu’il perde conscience.

En novembre, des gardes pénitentiaires et d’autres ont passé à tabac le journaliste du quotidien Vanguard Emmanuel Elebeke, au tribunal, pour avoir pris en images de trois individus accusés de meurtre.

Et le février 2016, des responsables du Nigeria Security and Civil Defence Corps ont brutalisé et arrêté trois journalistes à Owerri, dans l’Etat d’Imo.

Les policiers de la circulation ont exigé les téléphones de Nnamdi Ofonye deSilverbird TV et Tope Kuteyi de Channels TV, qu’ils accusent les avoir filmés lors d’une dispute avec un automobiliste.

Quand ils ont refusé, des policiers armés ont été appelés pour les arrêter. Ils ont placé en garde à vue Obioma Oburuoga  d’Africa Independent Television et les journalistes malmenées, giflés et roués de coup.

Conclusion: dire qu’« aucun journaliste » n’a été victime de harcèlement ou détenu sous Buhari est incorrect


Le Président du Nigeria Muhammadu Buhari a déclaré dans un discours qu’aucun journaliste n’était victime de harcèlement ou détenu dans son pays.

Même si aucun journaliste n’a été tué dans l’exercice de son métier depuis que M. Buhari est arrivé au pouvoir l’année dernière, plusieurs cas de harcèlement et de détention de journalistes ont été signalés.

Traduit de l'anglais par Assane Diagne

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