Retour sur Africa Check

L’urine a-t-elle des vertus thérapeutiques ?

Cet article date de plus de 7 ans

Dans un article publié par le quotidien L’Observateur, le mois dernier, des personnes interrogées affirmaient utiliser l’urine humaine pour soigner certains maux.

Mamy Thérèse Tessy, une septuagénaire d’origine capverdienne dit ainsi avoir l’habitude d’utiliser l’urine pour lutter contre la fièvre chez ses petits-enfants.

« Quand nos enfants ont une forte fièvre, nous prenons l’urine que nous versons sur tout le corps et cela fait baisser la fièvre », relève-t-elle, avant d'ajouter que l’urine est aussi efficace contre les maux de pieds qui peuvent pourtant avoir des causes multiples.

Africa Check a vérifié l'affirmation selon laquelle l'urine a des vertus thérapeutiques.

D’où vient cette pratique ?


La thérapie par l’urine est une vieille pratique qui n’est pas spécifique à l’Afrique. Pour certains, l’utilisation de l’urine comme remède est liée à la naissance de la médecine  là où d’autres parlent de l’Inde ou de la Chine.

Toujours est-il que dans un article publié sur son site Internet en janvier 1999, le magazine français Psychologies  expliquait que l’urinothérapie, encore appelée amaroli, était pratiquée par beaucoup de personnes dans de nombreux pays dans le monde, sans toutefois préciser quelle en était l’origine.

Clément Abaifouta, président de l'Association des victimes de la répression politique de Habré, a pratiqué l'urinothérapie en prison. Photo AFP Clément Abaifouta, président de l'Association des victimes de la répression politique de Habré, a pratiqué l'urinothérapie en prison. Photo AFP

Plus récemment, le Tchadien Clément Abaifouta, président de l’Association des victimes de crimes du régime Hissène Habré a confié à Africa Check que lors de son séjour carcéral, sous l’ancien président du Tchad, faute de médicaments, il utilisait par exemple son urine pour faire cicatriser ses plaies. Quand on lui demande si cela marche, il répond que « quand on croit à une chose et qu’on n'a pas d’autre choix, cela ne peut que marcher ».  Il ajoute aussi que « puisque l’urine brûle, il peut être utilisé comme antibiotique ».

Cela renvoie à l'effet placebo qui, selon les spécialistes, est « un effet subjectif, mais réel, produit sur une personne par un médicament n’ayant pas d’efficacité démontrée».

Quelle est la composition de l’urine ?


Le Professeur Lamine Niang, urologue à la Faculté de médecine de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, explique à Africa Check et à la WADR que l’urine est « un composé biologique, produit de la dégradation de ce que nous mangeons et buvons ». Elle est composée essentiellement d’eau, à 95 %, et l’autre partie comprend de l’urée, de la créatine et des vitamines. Il indique que l’urine comprend aussi des éléments toxiques, puisque sa principale fonction est justement de détoxiquer l’organisme. « Si ce que nous mangeons et buvons ne sort pas en urine, alors on est insuffisant rénal et on est obligé de passer par la détoxication par la dialyse », précise Lamine Niang. C'est pourquoi c'est déconseillé, ajoute-t-il.

Existe-t-il des preuves scientifiques de ses vertus thérapeutiques ?


Pour le Professeur Niang, boire l’urine revient à ré-ingurgiter les déchets que le corps a déjà évacués. Il précise toutefois qu’on ne va certainement pas mourir parce qu’on a bu de l’urine. Selon le médecin, le risque de boire l’urine dépend de l’état de santé de la personne dont elle provient.

Sur la capacité de l’urine à faire baisser la fièvre, le professeur Niang soutient que « sur le plan scientifique rien ne permet de le dire, même si l’urine est essentiellement composée d’eau ». Il reconnait tout de même que « l’urine peut jouer un rôle antiseptique de par sa teneur en urée ».

capv

L'urologue rappelle qu’il fut un temps où l’urine était utilisée pour désinfecter certaines plaies. Mais il s’empresse de souligner qu’« on ne va quand même pas conseiller aux patients d’utiliser l’urine pour cela alors qu’on a des médicaments efficaces ».

Pourquoi donc croit-on aux vertus de l’urine ?


Le psychologue Serigne Mor Mbaye précise que l’état psychologique et certaines croyances peuvent avoir une influence sur la santé d’un patient, en plus de l'effet placebo évoqué plus haut. Il explique, par exemple, que dans certaines communautés, il est conseillé de faire boire de l’urine de mouton à un enfant souffrant d’énurésie (faire pipi au lit).

Pour M. Mbaye, le dégoût amer de cette substance ingurgitée peut avoir « un effet psychologique » sur l’enfant pour qu’il arrête de faire pipi au lit.

Conclusion : il n’existe aucune preuve scientifique des vertus thérapeutiques de l’urine


Les témoignages ne manquent pas sur l’utilisation de l’urine comme remède. Pour beaucoup l’urine est utilisée pour conjurer le mauvais sort, alors que dans d’autres communautés, elle est utilisée pour soigner des maladies.

Mais de l’avis du professeur Lamine Niang, même si l'urine peut jouer un rôle antiseptique de par sa teneur en urée, sur le plan médical, rien ne permet d’affirmer à ce jour qu’elle a des vertus thérapeutiques. Et compte tenu des produits toxiques qu'elle contient, son utilisation est déconseillée.

Edité par Assane Diagne

Ecouter «Arrêt sur Info», l'émission radio consacrée à ce sujet

 

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