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ANALYSE : Que mesure réellement le rapport de l'ONU sur le bonheur?

La publication annuelle par les Nations Unies du Rapport mondial sur le bonheur conduit à beaucoup de joie - et de flagellation - dans le monde entier.

Les pays scandinaves dominent le classement depuis qu’il a été établi en 2012. Les pays africains se trouvent aux derniers rangs.

L’édition de 2018 n'a pas dérogé à la règle, avec le New York Times déclarant "Voulez-vous être heureux? Essayez de déménager en Finlande ", tandis que le site Face2Face Africa a déploré que «l'Afrique reste la région la moins heureuse du monde".

Sondage basé sur une seule question


Mais sur quoi est basé le classement et à quel point devrions-nous le prendre au sérieux?
Le rapport sur le bonheur utilise les données recueillies par Gallup, une société de conseil en gestion connue pour ses sondages d'opinion. Pour le rapport, Gallup - qui pose les "mêmes questions, à chaque fois, de la même manière" -  la question suivante a été posée dans une enquête mondiale annuelle :

"Veuillez imaginer une échelle avec des étapes numérotées de 0 en bas à 10 en haut. Supposons que nous disions que le haut de l'échelle représente la meilleure vie possible pour vous et que le bas de l'échelle représente la pire des vies possibles pour vous ».

«A quelle étape de l'échelle diriez-vous que vous vous situez personnellement en ce moment, en supposant que plus vous progressez, mieux vous vous sentez dans votre vie, et plus bas vous vous situez sur l’échelle, plus vous vous sentez malheureux? Quelle étape se rapproche le plus de ce que vous ressentez ? "

Gallup explique qu'il choisit au hasard les répondants dans chaque pays, mais veille à ce que le groupe soit représentatif géographiquement et démographiquement de l'ensemble de la population âgée de 15 ans et plus. La taille typique de l'échantillon dans chaque pays est de 1 000 personnes.

Le rapport utilise la moyenne nationale des réponses à cette question sur trois ans. Dans le pays le mieux classé, la Finlande, la réponse moyenne (de 2015 à 2017) a abouti à un score de 7,632, tandis que au Burundi, pays le moins bien classé, il était de 2,905.

 

Des pays déchirés par la guerre plus heureux ?


Bien que la méthodologie semble relativement solide et simple, certains résultats sont surprenants.

Même si classement est basé uniquement sur une seule question, le rapport sur le bonheur tente d'expliquer les facteurs qui contribuent au score de bonheur de chaque pays. Selon les auteurs du rapport, le bonheur que l'on éprouve pour la vie peut s'expliquer par six facteurs:

 

 


  • PIB par habitant,

  • espérance de vie et bonne santé,

  • soutien social disponible,

  • le degré de liberté de prendre des décisions concernant sa vie,

  • générosité dans une société, et

  • l'absence de corruption.


  •  


En d'autres termes, dans les pays où les six facteurs ci-dessus obtiennent des scores élevés, on s’attend également à des degrés plus élevés de bonheur.

Mais le rapport souligne trois pays où ce n'est pas le cas. "La Tanzanie, le Rwanda et le Botswana ont des scores anormaux, en ce sens que leurs valeurs prédites basées sur leurs performances sur les six variables clés, suggèrent qu'ils devraient se classer beaucoup plus haut que ne le montrent les réponses à l'enquête."

 

 

La Libye devance l’Afrique du Sud et le Nigeria


En effet, la Tanzanie (153e), le Rwanda (151e) et le Botswana (146e) arrivent tous dans le bas du classement en tant que pays les moins heureux. Plusieurs pays en guerre ou en conflit militaire sont mieux classés.

La Libye est dans une situation de conflit permanent depuis le soulèvement de 2011 qui a évincé Mouammar Kadhafi, pourtant elle est confortablement placée dans la moitié supérieure du classement à la 70ème place. La Somalie, en proie à une guerre civile depuis 1991, arrive en 98ème position. En comparaison, l'Afrique du Sud, relativement stable, est au 105e rang, tandis que le Nigéria est 91e et le Kenya 124e.

La lutte contre l'État islamique en Irak a déplacé environ 5,4 millions de personnes depuis 2014. Pourtant, à la 117e place du classement du bonheur, les Irakiens semblent toujours plus heureux que les Namibiens (119e) - dont l'ancien président Hifikepunye Pohamba a reçu le Prix Mo Ibrahim qui récompense « l’excellence dans le leadership africain » en 2014.

 

 

Qu'est-ce que le bonheur ? Pourquoi le classer ?


Les résultats anormaux soulèvent des questions sur le classement, qui mérite un examen plus approfondi, a confié à Africa Check le professeur Charles J Wheelan, maître de conférences au Dartmouth College et auteur du livre Naked Statistics, entre autres.

"La limite la plus importante est que le bonheur est évidemment difficile à quantifier et à mesurer. Cela peut signifier différentes choses pour différentes personnes, et à travers les cultures. Donc il ne faut pas surestimer les résultats.

Malgré cela, le Pr Wheelan a noté que «les résultats étaient valables dans le sens où ils permettaient des comparaisons dans le pays au fil du temps, par exemple, et contribuaient à notre compréhension globale du bonheur et du bien-être ».

"Plus nous en connaissons et y pensons, aussi imparfaite soit la méthodologie, mieux c'est", a-t-il déclaré.

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Markus Korhonen est un analyste politique spécialisé dans l'économie politique mondiale. Il enseigne actuellement au Département de science politique de l'Université de Stellenbosch.

Traduit de l'anglais. Lisez la version originale.

 

 

 

 

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