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ANALYSE - Fonds audiovisuel du CESTI : une mine inexploitable ?

 

Des documentaires, de bonne à excellente facture, sur des sujets originaux,  mais qu’aucune chaîne de radio ni de télévision ne diffuseront, peut-être, jamais. C’est le sort des enquêtes de fin d’études réalisées par les étudiants du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI), l’école de journalisme de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Un travail  en vue d’obtenir leur Diplôme supérieur de journalisme, validant trois années d’études et de formation.

 

 

A la  fin de la troisième année, chaque étudiant de chaque promotion réalise une grande enquête sur un sujet qu’il a lui-même choisi, sur un thème des plus originaux possibles et dans un des trois médias d’option, à savoir radio, télévision et presse écrite.  

 

 

En général, les sujets traitent de réalités spécifiques au pays d’origine des étudiants. Et c’est ainsi, par exemple, qu’un diplômant gabonais a traité un sujet intitulé « Eboga ou bwiti fang », un rite de  l’ethnie Fang au Gabon. Ou encore, cet étudiant sénégalais qui s’est « aventuré »  hors des frontières du Sénégal pour réaliser « Entre narcotrafic et instabilité : la Guinée-Bissau une nation piégée ».

 

 

Ainsi, au fil de ses plus de cinquante ans d’existence, le CESTI dispose d’un inestimable fonds documentaire audiovisuel qu’alimente chaque étudiant de chaque promotion.

 

 

En presse écrite, en radio et en télévision, les grandes enquêtes des étudiants rivalisent à la mesure de l’émulation qu’a toujours cultivée cet institut.

 

 

Des travaux, tout de professionnalisme, que ne rechigneraient une chaîne de télévision ni de radio férues de documentaires de tous styles, de toutes origines… Et même à acheter à prix d’or, si les documents avaient été à vendre - dans le cadre de la disposition administrative en vigueur à l’université de Dakar et dénommée « fonction de service » ; laquelle autorise tout établissement  rattaché à l’université de fournir des prestations rémunérées et encadrées par les textes.

 

 

Obstacles à la diffusion

 

 

Mais, il  y a trois obstacles juridique, pédagogique et réglementaire devant cette solution qui, outre de valoir des rentrées d’argent au CESTI, aurait pu permettre une vulgarisation de ces documentaires qui ne sont visionnés et évalués que par un jury d’enseignants du CESTI et de journalistes professionnels, appelés par l’école à siéger en tant que jurés.

 

 

Obstacle juridique en ce qu’aucun auteur (étudiant) n’a donné, de manière formelle, l’autorisation de commercialiser son œuvre. Un problème de droit d’auteur donc. Même s’il est vrai que les documentaires restent la propriété du CESTI. Des offres d’acquérir le droit de diffuser ces œuvres se sont présentées, une des plus récentes provenant du groupe de presse sénégalais eMedia, mais aussi de UCAD Fm, une jeune radio de l’UCAD émettant en modulation de fréquence (94.5) des locaux du CESTI. La direction de cette station allègue des raisons de légitimité et de proximité pour avoir le droit de diffuser les documentaires radio du fonds audiovisuel du CESTI qui est d’ailleurs en train de se détériorer à cause de la conservation inadéquate. Beaucoup de documents, surtout de télévision, sont perdus à jamais, selon le chef et conservateur  de la Médiathèque, Moussa Cissé.

 

 

L’obstacle pédagogique et éthique tient au fait que, selon un ancien directeur des Etudes du CESTI, Dominique Mendy, pour permettre à des étudiants de gagner la confiance de certaines personnes-ressources, le CESTI a pris l’engagement moral de garantir la confidentialité des témoignages et de l’identité des sources qui en font la demande, voire posent l’exigence. En effet, des interlocuteurs, assurés que l’usage qui sera faite de leurs informations ne sera pas public, ont pu se confier avec plus d’aisance et plus de profondeur que si le documentaire allait être à grande diffusion.

 

 

Pour une réflexion collective

 

 

Mais,  il y a eu, de temps à autre, de gros incidents comme cette enquête de presse écrite sur l’homosexualité féminine  à Dakar et qui a été publié par un journal dakarois, Le Quotidien, qui a disposé de la copie par l’auteur même du document, devenu employé du même organe de presse. Ni le CESTI, ni certaines personnes-ressources n’avaient approuvé l’initiative.

 

 

Il en a été de même quand d’anciens étudiants sont rentrés dans leurs pays respectifs avec sous le bras une copie de leur enquête qui sera diffusée sur la chaîne de télévision nationale. Et là, aussi, l’initiative déplut fort au CESTI, auquel l’autorisation préalable aurait dû être demandée. Au moins, le CESTI aurait dû être avisé, explique M. Mendy.

 

 

En raison de tout cela, des diplômés du CESTI et auteurs de documentaires posent la question de savoir si la finalité de travaux de telle qualité et à l’intérêt documentaire certain doit être strictement pédagogique.

 

 

Il est temps que le CESTI initie une réflexion pluridisciplinaire sur cette question : les documentaires ne pourraient-ils pas être autorisés à l’acquisition par des chaînes de  radio et de télévision ainsi que des organes de presse écrite décidés d’y mettre le prix ?

 

 

Des juristes spécialistes de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur, des anciens du CESTI auteurs de documents, des sommités de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et toute autre personne qualifiée pourraient participer à la réflexion collective.


 

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