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Rien ne prouve que la consommation d’eau chaude guérit des maladies

Le texte est écrit dans un mauvais français, avec des fautes et, depuis plusieurs semaines, il fait le tour des comptes WhatsApp au Sénégal. « Un groupe de médecins japonais a confirmé que l’eau chaude est efficace à 100 % pour résoudre certains problèmes de santé », peut-on y lire.

Il est signé par un certain « Dr D. Mensah-Asare ». Il cite pêle-mêle des maladies et symptômes (certaines maladies apparaissant sous des appellations différentes) : migraine, hypertension artérielle, épilepsie, « malaise corporel », « maladie liée à l’utérus et à l’urine », « problèmes d’estomac », ou encore « toutes les maladies liées aux yeux, aux oreilles et à la gorge ».

Posologie supposée


Pour que ça marche, il recommande de boire le matin au réveil « environ deux verres d’eau tiède lorsque que l’estomac est vide », et de « ne pas manger 45 minutes après avoir pris l’eau ». Il clame que « la thérapie de l’eau chaude permettra de résoudre les problèmes de santé dans un délai raisonnable » : trente jours pour le diabète, dix jours pour les « problèmes d’estomac », neuf mois pour « tous les types de cancer », trois jours pour les « maux de tête », quatre mois pour l’asthme, entre autres maladies.

Un article au contenu presque identique à ce message, intitulé « Les avantages de l’eau chaude », a été publié le 17 octobre 2016 par le site sénégalais Leral.net, sans mention de Dr. D. Mensah-Asare.

Des textes similaires sur des supposés vertus curatives ou effets néfastes de l’eau – que sa température soit précisée ou non -, foisonnent sur Internet, sans preuves scientifiques. C’est le cas du site francophone Santé + Magazine, où l’on peut lire notamment : « Cette thérapie japonaise à base d’eau permet de nettoyer l’organisme et guérir des maladies » (article publié le 19 octobre 2015) ou encore « Les six pouvoirs guérissants de l’eau chaude » (article publié le 10 mars 2015).

Recherche infructueuse de contacts et preuves


Depuis mi-octobre 2018, nous avons écrit à Leral.net et Santé + Magazine pour leur demander de nous mettre en rapport avec les auteurs de leurs articles. Nos messages sont demeurés sans suite jusqu’à ce 28 novembre 2018.

Depuis mi-septembre 2018, nos recherches pour entrer en contact avec la personne identifiée comme Dr D. Mensah-Asare n’ont permis d’aboutir ni à un médecin, ni à une personne physique, ni à une adresse e-mail, ni à un compte sur un réseau social quelconque. Dans la recherche en ligne, ce nom est cependant associé par certains moteurs de recherche à une arnaque ou une escroquerie (« hoax » ou « scam »), comme en juillet 2018 sur ce blog recensant les derniers scams et hoaxes.

Pas d’étude scientifique connue


Pour en avoir le cœur net, Africa Check a sollicité le médecin sénégalais Abdoulaye Lèye, professeur à la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Il est agrégé de médecine interne, c’est-à-dire la partie de la médecine qui concerne les maladies non chirurgicales. Il est aussi agrégé d’endocrinologie-diabétologie, de nutrition et des maladies métaboliques. L’endocrinologie est l’étude des glandes à sécrétion interne (endocrines).

Alors, l’eau chaude peut-elle vraiment guérir plusieurs maladies ? « Avant de dire que tel produit est bénéfique ou est néfaste, il faudrait qu’il y ait une étude scientifique sur des individus, qui souffrent ou non, ou en tout cas qu’on expose au produit dit bénéfique ou néfaste, sur un certain temps et on voit les résultats, ce qu’on appelle l’+evidence-based+ », ce qui est fondé sur des preuves ou des données probantes, a répondu Pr Lèye.

« Je n’ai vu aucune étude qui prouve qu’on a une diminution d’une incidence d’un cancer ou d’un diabète ou d’une quelconque pathologie en consommant » de l’eau chaude, et « je ne connais aucune étude scientifique, comme on le ferait pour un médicament ou pour un autre principe actif, qui ait démontré une efficacité quelconque pour une maladie quelconque concernant l’eau chaude », a-t-il déclaré.

Une chose est cependant sûre, a encore dit Pr Abdoulaye Lèye : « Comme un complément alimentaire, comme un élément indispensable à la vie, qu’elle soit chaude ou froide, on ne peut pas se passer de l’eau. On en a besoin pour la vie ».

« Mal-information » sur la santé


En interrogeant les moteurs de recherche en ligne, on peut se rendre compte que des annonces sur les prétendus pouvoirs de l’eau ou ses supposés effets néfastes ont été démystifiées depuis des années et continuent de l’être.

Il existe des sites spécialement conçus pour aider à vérifier les informations qui circulent sur Internet, ou les sources qui les véhiculent. L’un d’eux est le Décodex, créé par le journal français Le Monde, qui a fait des recherches sur Santé + Magazine. « Ce média se caractérise par une pratique de la +mal-information+ en matière de santé », a constaté le Décodex dans un article publié le 25 mai 2018. Sur sa page « Qui sommes-nous ? », Santé + Magazine a écrit que ses « informations » ne visent pas « à remplacer la relation qui existe entre le lecteur du magazine et son médecin ».

En 2014, le portail web MSN a compilé plusieurs e-mails d’arnaques en matière de santé. Un de ces messages recommandait de boire de l’eau chaude pour éviter des crises cardiaques et autres maladies, alors que depuis 2006, une variante déconseillait de boire de l’eau fraîche car elle causait le cancer.

Les deux versions ont également été vérifiées – et démenties – par le site américain Snopes.comdepuis 2006 (« Does Drinking Cold Water After Meals Cause Cancer? », actualisé le 20 octobre 2018) et depuis 2010 (« Heart Attacks and Water », actualisé le 6 janvier 2018). Tout comme le site australien Hoax-Slayer depuis 2008 (« Cold Water Causes Cancer Warning Message », actualisé le 13 juillet 2018).

Prudence concernant les traitements miracles


Généralement, la prudence est de mise pour tout ce qui concerne les traitements présentés comme miraculeux. Africa Check a consacré plusieurs articles à ce type d’informations erronées : non, il n’existe aucune étude qui atteste que le gombo élimine 72 % des cellules du cancer du sein ; non, manger des œufs et des bananes ne tue pas ; et non, rien ne prouve que le citron et l’huile de coco « guérissent » le cancer.

L’Institut national du cancer (INCa) en France préconise une vigilance accrue pour les cancéreux et leurs proches susceptibles d’être vulnérables dans l’épreuve de la maladie. « Il arrive que des personnes ou des organisations cherchent à profiter de ce désarroi. Elles peuvent vous proposer des méthodes présentées comme plus efficaces que les traitements classiques », or, « non validées scientifiquement, ces méthodes peuvent être dangereuses ».

L’eau ou un aliment ne remplace pas un médicament


Les malades ou leurs proches ne devraient pas interrompre leur traitement pour le remplacer uniquement par l’eau ou un aliment quelconque réputé miraculeux, parce que l’eau ou cet aliment « n’est pas un médicament », a insisté Pr Abdoulaye Lèye.

Parce que certains aliments ont des vertus spécifiques, ils peuvent être des « compléments » à des traitements et « on peut préserver sa santé avec une alimentation équilibrée », a-t-il poursuivi. « Donc, le fait de s’alimenter correctement concourt à préserver sa santé. Mais quand on parle de maladie et de traitement, ce n’est pas un seul aliment qui va jouer le rôle d’un médicament. On peut prendre un médicament connu pour traiter (un mal) et avoir comme accompagnement une alimentation qui correspond à ce mal ».

Selon lui, « que ce soit l’eau, le gombo, citron, un fruit exotique, le nebedaye (nom donné au Sénégal au moringa) ou n’importe quoi d’autre, encore une fois, ce ne sont pas des médicaments, ils ne peuvent pas remplacer les médicaments. Il faut lever ces équivoques-là ».

Conclusion : pas de preuves que l’eau guérit « une maladie quelconque »


Depuis plusieurs semaines, un message diffusé sur WhatsApp soutient que, selon « un groupe de médecins japonais » dont aucun n’est identifié, « l’eau chaude est efficace à 100 % pour résoudre certains problèmes de santé » si on la consomme le matin, à jeun. Il cite plusieurs maladies, incluant « tous les types de cancer » et le diabète.

Le Sénégalais Abdoulaye Lèye, agrégé de médecine interne, d’endocrinologie-diabétologie et de nutrition notamment, a affirmé n’avoir connaissance d’aucune étude scientifique concernant l’eau chaude « qui ait démontré une efficacité quelconque pour une maladie quelconque ».

L’Institut français du cancer préconise la vigilance face à certaines « méthodes présentées comme plus efficaces que les traitements classiques » contre le cancer alors que, « non validées scientifiquement, ces méthodes peuvent être dangereuses ». – Par Coumba Sylla 

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