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Traiter « en deux minutes » une morsure de serpent avec du cérumen n’a aucun fondement scientifique

Cet article date de plus de 4 ans

Un message diffusé sur les réseaux sociaux, notamment sur Whatsapp et sur Facebook, préconise un traitement de la morsure d’un serpent en deux minutes. Sur Facebook, ledit message a été relayé à travers cette publication datée du 2 septembre 2019.



Le texte préconise une méthode éclair de traitement d'une morsure de serpent, en suggérant de prélever la couche des pellicules dans l'oreille de la personne mordue à l’aide d'un coton tige et de l'appliquer sur la partie où le serpent aurait mordu.

« Vous verrez une sueur qui sort de la partie, c'est du venin », est-il signalé. Il est ensuite recommandé de nettoyer ledit venin avec du coton ou un tissu. « Vous trouverez ça magique et pourtant c'est scientifique », lit-on encore.

Enfin, il est soutenu dans ce message que « le venin du serpent est chargé négativement (tandis que) la pellicule des oreilles est chargée positivement. Il y'a donc interaction entre le venin et la pellicule, et donc la force du venin s'annule ».

Un sérum de qualité, « le seul traitement efficace », avertit l’OMS


Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les morsures de serpents dans le monde concernent 5, 4 millions de personnes chaque année et il y a jusqu’à 2,7 millions de cas d’envenimement.

« Les morsures de serpents venimeux (…) peuvent entraîner des paralysies sévères susceptibles de bloquer la respiration, des troubles sanguins pouvant aboutir à des hémorragies fatales, des insuffisances rénales irréversibles et des destructions tissulaires locales sévères susceptibles de provoquer des incapacités définitives et l’amputation d’un membre », indique l’OMS.

Sur la façon de traiter une morsure de serpent venimeux, « contrairement à ce qui se passe pour de nombreux autres états pathologiques graves, il existe un traitement très efficace », assure l'OMS arguant qu'« on peut éviter la plupart des décès et des conséquences sérieuses en généralisant la disponibilité des sérums antivenimeux. Des sérums de qualité sont le seul traitement efficace pour éviter ou supprimer la plupart des effets toxiques des morsures de serpents ».

« Ils (sérums) sont inscrits dans la Liste modèle OMS des médicaments essentiels et ils devraient faire partie du minimum de soins de santé primaires à prodiguer en cas de morsure », signale l'institution onusienne en charge de la Santé.

« Les médicaments traditionnels doivent être évités »


Par ailleurs, l’OMS insiste : « les médicaments traditionnels et autres traitements, tels que l'incision ou l'excision de la plaie, l'aspiration ou l'application de pierres noires, doivent être évités ».

Africa Check a contacté le Docteur Jean-Philippe Chippaux, directeur de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement et auteur de plusieurs ouvrages dont Les serpents d'Afrique occidentale et centrale. On le voit d'ailleurs à travers cette vidéo, expliquer comment traiter une morsure de serpent.



Sur le prétendu traitement d'une morsure de serpent en deux minutes, Dr Chippaux indique à Africa Check que cela n'a, à sa connaissance, jamais fait l'objet d'évaluation clinique.

« Une telle étude clinique serait refusée par un comité d'éthique en raison de l'absence de fondement scientifique. Personnellement, je m'y opposerais en raison des risques que cela ferait courir au patient », appuie Dr Chippaux.

Logique de raisonnement erronée


Dr Chippaux explique que « le venin diffère d'une espèce à l'autre et il est composé de plusieurs centaines de protéines différentes. Certaines sont effectivement chargées négativement, mais d'autres sont neutres ou chargées positivement. C'est d'ailleurs sur ces propriétés que l'on analyse les venins en les soumettant à un champ électrique qui permet de séparer les différentes protéines en fonction de leur charge électrique », explique le spécialiste.

Quant à l'inoculation du venin, poursuit-il, « (elle) se fait en profondeur, de quelques millimètres à 3 ou 5 centimètres selon l'espèce de serpent et sous pression, exactement comme avec une seringue utilisée pour injecter un médicament dans les muscles ».

Dr Chippaux souligne encore que « le venin s'introduit immédiatement dans les vaisseaux lymphatiques, et non pas les vaisseaux sanguins comme on le croit généralement, qui assurent sa diffusion en quelques secondes ou minutes dans tout l'organisme ».

Par ailleurs, fait-il savoir, « le cérumen (le contenu de l'oreille) est composé de graisse. C'est peut-être ce qui a fait croire qu'il pouvait protéger du venin comme lorsque l'on protège les cosses des batteries avec de la graisse qui limite leur corrosion ».

« Cependant, je ne vois pas comment l'application externe de cérumen pourrait empêcher la diffusion du venin qui se fait vers l'intérieur de l'organisme alors que l'écran est apposé à l'extérieur ».

Urgence médicale sérieuse


Africa Check a également contacté Dr Absa Lam-Faye du Centre anti poison du Centre hospitalier universitaire de Fann à Dakar. Elle est aussi membre de la Société Africaine de Venimologie. Elle a participé à une étude qui évalue l’efficacité et la tolérance de l’antivenin Inoserp® Panafricain au niveau des structures de santé périphériques.

Dr Absa Lam-Faye indique que la meilleure méthode de traitement d’une morsure de serpent qu’elle connait est celle recommandée par la science. Elle a partagé avec Africa Check ce kit de sensibilisation sur la prise en charge d’une morsure de serpent en Afrique et au Moyen-Orient.

Le document avertit : « une morsure de serpent est une urgence médicale sérieuse qui peut être mortelle ».

« Le seul conseil valide est de transporter le patient dans un centre de santé, le plus rapidement possible, où il sera évalué et traité médicalement. Ne perdez pas de temps ! », lit-on encore.

Conclusion : la méthode de « traitement en deux minutes » d’une morsure de serpent avec du cérumen n’a aucun fondement scientifique


Une publication qui circule sur les réseaux sociaux dit qu’en cas de morsure de serpent, il faut prélever la couche des pellicules dans l'oreille de la personne mordue à l’aide d’un coton tige, et l'appliquer sur la partie qui a été mordue.

Les chercheurs que nous avons consultés soutiennent que ce raisonnement n’a rien de scientifique

L’Organisation mondiale de la Santé déclare de son côté que le seul traitement efficace c'est un sérum de qualité.

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