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FICHE D'INFO - Cour pénale internationale : au début était une initiative de la Croix-Rouge

Cet article date de plus de 7 ans

Le débat sur l’impartialité ou non de la CPI a resurgi tout dernièrement. C’est ainsi que des pays comme le Kenya, l’Afrique du Sud, le Burundi et la Gambie ont annoncé vouloir se retirer de cette juridiction. Leur principal argument est que la CPI ne cible que les Africains.

D’où vient l’idée de la création de la CPI ?


Dans un article publié en 2005 dans la Revue internationale de droit pénal, Doreid Becheraoui indique que la première proposition sérieuse de création d’une CPI remonte à 1872, avec l’idée de Gustave Moynier, un des fondateurs du Comité international de la Croix-Rouge, de mettre sur pied un tribunal international permanent sur la base de la Convention de Genève de 1864.

Mais selon Alioune Tine, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, «les choses se sont accélérées au milieu des années 1990, avec la guerre en ex-Yougoslavie et le génocide au Rwanda». M. Tine est également l'ancien secrétaire exécutif de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO), une des ONG africaines qui ont contribué à la naissance de la CPI.

En décembre 1995, l’assemblée générale des Nations Unies met en place une commission préparatoire  de trois ans, dont les travaux vont aboutir à l’adoption, en 1998, du Statut de Rome.

Qu’est-ce que le Statut de Rome ?


Le Statut de Rome est le texte fondateur de la CPI. Il a été adopté à l’issue de la réunion de la conférence de Rome qui s'est déroulée du 15 juin au 17 juillet 1998 dans la capitale italienne. Il est entré en vigueur le 1er juillet 2002 suite à sa ratification par 60 États, marquant la naissance officielle de la CPI.

La compétence de la Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de cette date. Aujourd’hui 124 pays sont Etats parties au Statut de Rome. 34 sont des Etats africains, 19 d’Asie et du Pacifique, 28 d’Amérique Latine et des Caraïbes, 18 d’Europe Orientale et 25 d’Europe Occidentale et autres.

Le Statut de Rome a été rédigé au siège de la FAO, dans la capitale italienne. Le juriste burkinabé Maître Halidou Ouédraogo, ancien président de l’Union interafricaine des droits de l’homme et un des rédacteurs de ce texte a rappelé que le travail a duré un mois.

Il a indiqué à Africa Check que « tous les pays étaient représentés, même les Etats-Unis dont les représentants ont joué un rôle très important ». Même si, à la fin, les Etats-Unis n’ont pas ratifié le Statut de Rome et refusent que leurs ressortissants soient jugés par la CPI.



Quelle est donc la compétence de la CPI ?                   



La CPI n’exerce sa compétence qu’à l’encontre des ressortissants des Etats ayant ratifié le Statut de Rome ou de ceux qui commettent des crimes sur le territoire de ces derniers. Elle ne peut juger les ressortissants des autres pays que sur décision du Conseil de sécurité des Nations Unies. La CPI est compétente pour juger les crimes commis à partir de l’entrée en vigueur du Statut de Rome, le 1er juillet 2002.

Le Statut de Rome dispose, en son article 5, que la compétence de la CPI est limitée aux crimes les plus graves qui concerne la communauté internationale. Ces crimes sont : le crime de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide et le crime d’agression.

Par ailleurs, le Statut de Rome en son article 1 dispose que la CPI est «complémentaire des juridictions pénales nationales». Ce qui signifie que la compétence pénale nationale prévaut sur la CPI, a expliqué Maître Abdoulaye Tine, avocat au barreau de Paris et spécialiste du droit pénal international. Il a précisé que cette compétence complémentaire «veut dire concrètement que la CPI ne doit pouvoir juger une affaire que lorsque l’Etat qui doit normalement juger les crimes en cause ne veut pas ou ne peut pas».

«La CPI est une juridiction qui vient en dernier ressort pour que les crimes graves qui sont visés par l’article 5 du Statut de Rome», a-t-il ajouté. Abdoulaye Tine a en outre souligné que «si à chaque fois qu’il y a des allégations de crimes graves, les Etats ouvraient des enquêtes et diligentaient des procès, conformément au principe de subsidiarité, ces affaires n’arriveraient jamais devant la CPI».

Comment saisir la CPI et quelles sont les peines applicables ?



En dehors de l’auto-saisine par le procureur, seuls les Etats parties (ceux qui ont ratifié le Statut de Rome) et le Conseil de sécurité peuvent saisir la CPI. Si l’extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient, la CPI peut prononcer, au regard de l’article 77 du Statut de Rome, une peine d’emprisonnement  à perpétuité. Autrement dit, la peine qui sera prononcée ne doit pas dépasser 30 ans, selon toujours l’article précité.

La Cour peut aussi ajouter à la peine une amende et/ou la confiscation des profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime. Par ailleurs, sur décision de l’Assemblée des Etats parties, il a été créé un fonds au profit des victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour et de leurs familles. La CPI peut ordonner que le produit des amendes et tout autre bien confisqué soient versés au fonds.

Quelles sont les affaires devant la CPI ?



       

 

 

Toutes les personnes présentement détenues et jugées par la CPI sont africaines.

Le premier procès de la CPI s'est ouvert le 26 janvier 2009. Il s'agit de celui du Congolais Thomas Lubanga poursuivi pour crimes de guerre. Il a été condamné en juillet 2012 à 14 ans de prison et transféré en décembre 2015 dans une prison de la RD Congo pour y purger sa peine.

L’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo est, quant à lui, le premier ancien chef d’Etat à être jugé par la Cour pénale internationale.

Le président soudanais Omar el Béchir est, quant à lui, le premier chef d’Etat en exerce à être poursuivi par la CPI. Il est visé par 10 chefs d’accusation pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide , commis entre 2003 et 2008 dans la région soudanaise du Darfour.

Les charges contre le président kenyan Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto ont été respectivement retirées et annulées.

En tout, ce sont 26 personnes – toutes africaines – qui sont (ou ont été) poursuivis par la CPI dans le cadre d’enquêtes ouvertes dans 7 pays – tous africains .

Par ailleurs, la CPI a ouvert plusieurs examens préliminaires et enquêtes à travers le monde. Sur les 10 affaires faisant l’objet d’un examen préliminaire, 4 concernent de pays africains. Et 8 des neuf enquêtes ouvertes le sont en Afrique.



Le cas particulier des Etats-Unis



Les Etats-Unis ont signé le Statut de Rome mais ne l’ont pas ratifié. Par ailleurs, Washington a retiré en 2002 sa signature, sous l’impulsion du président George Bush. En 2002, les Etats-Unis ont fait voter une loi dite American Servicesmembers’ Protection Act dont l’objectif est de protéger les membres du gouvernement américain, de l’armée américaine et d’autres officiels de toute poursuite par la CPI. Cette loi dénoncée par des organisations de défense des droits de l’homme est aussi appelée ironiquement «loi d’invasion de la Haye», dans la mesure où elle donne pouvoir, en sa section 2008, au président des Etats-Unis d’utiliser tous les moyens nécessaires, y compris la force, pour libérer tout citoyen américain détenu sur ordre de la CPI.

Comment se retirer de la CPI ?



Selon l’article 127 du Statut de Rome, l’Etat qui envisage de quitter la CPI doit notifier par écrit sa décision au secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. La même disposition précise que le retrait prend effet un an après la date de réception de la notification. Toutefois, souligne le texte, ce retrait n’affecte en rien la poursuite de l’examen des affaires que la Cour avait déjà commencé avant la date à laquelle il a pris effet.

Edité par Assane Diagne

 

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