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ANALYSE - Gabon : des éléments pour comprendre la vieille controverse sur la démographie

A la veille de la publication des résultats de l’élection présidentielle du 27 août au Gabon, une polémique a fait rage sur les réseaux sociaux en ce qui concerne la population de la province du Haut-Ogoué, fief d’Ali Bongo. Les résultats qu’il a obtenus dans cette partie du pays lui ont permis de renverser la tendance, alors que les chiffres diffusés jusque-là et portant sur les autres provinces donnaient vainqueur son adversaire Jean Ping.

De quoi s’est-il agi?


Le 31 août 2016, une série de tweets apparaissent, indiquant que sur la plateforme Wikipédia, la population de la province du Haut-Ogoué a été gonflée. Elle serait ainsi passée de 50 000 habitants à presque 250 000. Les publications semblent suffisamment crédibles au point que la journaliste Marie-Roger Biloa les cite sur le plateau de la chaîne de télévision française Itélé.

A l'image de ce tweet, beaucoup d'internautes se sont posés des questions sur la population de la province du Haut-Ogoué. Capture d'écran A l'image de ce tweet, beaucoup d'internautes se sont posés des questions sur la population de la province du Haut-Ogoué. Capture d'écran

De même, une infographie a circulé sur les réseaux sociaux toujours pour montrer comment la population du Haut-Ogoué a été « gonflée ».

Mais les choses étaient un peu plus compliquées que cela, puisqu’il est apparu plus tard qu’il y a eu en réalité plusieurs modifications de la page Wikipédia du Haut-Ogoué et probablement venant des deux camps. Ceux-ci essayaient vraisemblablement d’une part d'influencer l’opinion et d’autre part de s’accuser mutuellement de manipulation. Mais le blogger ivoirien Cyriac Gbogou, consultant indépendant et spécialiste des nouveaux médias a confié à Africa Check que « ceux qui ont tenté cette manipulation se sont trompés de plateforme, puisque tout est traçable sur Wikipédia et toute modification est visible ».

En réalité, la population du Haut-Ogoué comptait déjà plus de 100 000 habitants en 1993.

Wikipédia aurait-il pu décider de l’issue du scrutin ?


Africa Check a posé la question au statisticien sénégalais Alphonse Diombo Thiakane, directeur des opérations à Convergence Informatique Statistiques. Celui-ci doute fort que les manipulations survenues sur Wikipédia le soir du 30 août aient pu avoir une quelconque influence sur l’issue du scrutin.

infog-haut-ogoue La publication de cette photo fait suite aux modifications opérées sur la page Wikipédia du Haut-Ogoué.

Selon lui, « les principaux leviers pour une éventuelle fraude seraient de manipuler le nombre d’inscrits et le nombre de votants ».

Des données controversées


Déjà en 1990, Nuria Lopez-Escartin soulignait, dans sa publication Données de base sur la population : Gabon, que « le nombre d‘habitants du Gabon est depuis près de 20 ans une donnée sensible ». Il en veut pour preuve que « le Conseil des ministres, dans sa séance du 31 mai 1972, décidait d’une population de 950 009 habitants, alors que le Service national de la statistique en avait recensé 516 884 en 1969/1970 ».

D’ailleurs, dans une publication sur le réseau Youscribe, Vicent Obame Emane, alors directeur de l’Institut des Mathématiques Appliquées du Gabon, rappelait que « jusqu’en 2013, le Gabon a organisé 5 recensements généraux de la population, successivement en 1960, 1970, 1980, 1993 et 2003 ». Il souligne que trois de ces recensements (1970, 1980 et 2003) avaient été rejetés.

Le recensement de 2013, dont les résultats ont été publiés en juin 2016, fixe la population gabonaise à 1 811 079 habitants.

Ce qui constitue un accroissement de 78 % de la population par rapport à 1993 lorsque celle-ci était de 1 014 979 habitants. Les résultats du recensement de 2013 avaient aussi suscité une polémique à leur publication en juin 2016

Analysant ces résultats, le statisticien Alphonse Diombo Thiakane fait remarquer que « l’Estuaire qui héberge la capitale politique (Libreville) et l’Ogoué-Maritime qui couvre la capitale économique (Port-Gentil) sont les deux zones bénéficiaires de l’exode rural et sont à une croissance de 93 et 60% entre 1993 et 2013 ».

 

Infographie Africa Check Infographie Africa Check

Il a précisé « que le Moyen-Ogoué s’insère à 63% juste devant l’Ogoué-Maritime et peut être toléré. Mais que le Haut-Ogoué explose à 140% demande une explication sociologique vraiment poussée ».

Africa Check a tenté vainement d’entrer en contact avec les responsables de la Direction de la statistique du Gabon pour avoir une analyse détaillée des résultats du dernier recensement effectué en 2013.

Polémique des listes électorales


Les résultats du recensement de 2013 ne sont pas les seuls sujets à controverse. Les listes électorales aussi. Et c’est l’économiste gabonais Mays Mouissi qui attire l’attention sur son blog. Il signale que dans certaines localités du pays, le nombre d’inscrits dépasse le nombre d’habitants. Il en a d’ailleurs donné des détails dans une interview accordée au service français de la BBC.

Le ministre gabonais de la Communication, porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Billy Bie Nze a minimisé sur les ondes de la même radio en expliquant que le nombre d’habitants d’une localité n’avait rien à voir avec les inscrits sur les listes électorales. D’autant plus que, selon lui, on pouvait habiter dans une localité et aller s’inscrire sur les listes électorales d’une autre.

Edité par Assane Diagne

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