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Covid-19 : déclarations décontextualisées et fausses informations dans cette publication Facebook

Dans une vidéo en wolof (langue la plus parlée au Sénégal) publiée sur Facebook le 8 mai 2020, un internaute sénégalais tient une série de fausses affirmations sur la gestion de la Covid-19 au Sénégal et en Afrique.



Selon l'auteur de la vidéo, ce sont de « faux tests » qui sont utilisés dans l'objectif de multiplier les cas positifs de Covid-19 et les décès afin de pouvoir obtenir des financements de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI).

Nous vous expliquons pourquoi les affirmations contenues dans cette vidéo sont fausses ou trompeuses.

Une déclaration du président tanzanien comme prétexte


L’auteur de la vidéo s’appuie sur une déclaration du président tanzanien, John Magufuli, pour soutenir que ce sont de faux tests qui sont utilisés dans les pays africains.

« Le président tanzanien a déclaré que les tests qu'ils ont et qui ont été offerts par l'OMS au Sénégal, au Mali, à la Côte d'Ivoire, tous ces tests ne sont pas bons », déclare l'auteur de la vidéo avant d'ajouter que « quel que soit le nombre de personnes testées, les tests reviennent positifs ».

Effectivement, le président tanzanien a publiquement mis en doute, le dimanche 3 mai, les données officielles de la Covid-19 dans son pays. Dans un discours en swahili rapporté dans cet article de Radio France Internationale (RFI), John Magufuli a fait état de faux cas positifs, y compris sur des échantillons prélevés sur une papaye, une caille et une chèvre qu’il a dit avoir fait tester secrètement.

Il a ainsi incriminé la fiabilité du matériel ou du personnel du laboratoire et évoqué de possibles « sabotages ».

« Il est possible qu’il y ait des erreurs techniques ou que les réactifs importés aient des problèmes. Il est également probable que les techniciens soient payés pour induire en erreur », avait-il déclaré.

Le président tanzanien a appelé à enquêter sur des irrégularités présumées au laboratoire national de Santé.

Pas de preuves de kits de test défectueux


Les résultats de l'enquête demandée par le président tanzanien n'ont pas mis en cause la qualité des kits de test.

Dans cet article du site The Citizen daté du 23 mai 2020, la ministre tanzanienne de la santé, Ummy Mwalimu, indique que le rapport d’enquête a montré « qu'il y avait des faiblesses dans la gestion professionnelle, la mise en place et le fonctionnement des laboratoires nationaux, affectant ainsi la qualité des tests effectués sur Covid-19, le stockage des échantillons et la vérification des résultats ».

Elle précise que « l'une des machines pour tester des échantillons de Covid-19 était défectueuse, mais la direction n'a pris aucune mesure à ce moment-là ».

En outre, le directeur des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (une institution spécialisée de l'Union Africaine), John Nkengasong, a rejeté les allégations du gouvernement tanzanien. Il a déclaré à l'agence de presse Reuters que les tests fournis à la Tanzanie et aux autres pays du continent « ont été validés et se sont révélés très, très fiables ».

« Le CDC africain, avec la Fondation Jack Ma, fondateur du groupe chinois Alibaba, a fait don de milliers de kits de tests, de masques et d'équipements de protection aux nations africaines et l'équipement est utilisé à travers le continent. Aucun autre pays n'a déposé de plainte publique au sujet des tests », a déclaré Nkengasong dans une dépêche de Reuters en date du 7 mai 2020.

Des erreurs dans certains résultats de tests ont été rapportés au Sénégal et à Madagascar, mais là non plus la qualité des kits n'a pas été mis en cause.

Une illustration trompeuse pour récuser la fiabilité des tests de dépistage de la Covid-19


La vidéo est accompagnée d’une capture d’écran d’un article de Radio-Canada titré « Santé Canada confirme la contamination de 380 000 tests de dépistages ».

Mais, contrairement à ce que peut laisser croire cette illustration, Africa check a récemment prouvé que l’article de Santé-Canada informait plutôt de trousses de dépistage contaminées aux bactéries et non au coronavirus.

« Aucun de ces tests n’a été utilisé sur les personnes », a précisé l’auteur de l’article, Nicolas Steinbach contacté par Africa Check.

Faut-il 2 000 morts de la Covid-19 pour bénéficier des « pandemic bonds » ?


L’auteur de la vidéo assure également que : « tous les tests utilisés au Sénégal sont faux et les autorités sénégalaises le savent mais elles veulent bénéficier des fonds appelés pandemic bonds (les obligations pandémiques) donnés par la Banque mondiale et le FMI ».

« Pour y arriver, Macky Sall doit tuer 2 000 sénégalais. C’est pourquoi, ils ont accepté d’utiliser ces faux tests pour gonfler leurs statistiques. Ainsi, augmenter le nombre de cas positifs et tuer plus de personnes », déclare-il.

En réalité, les obligations pandémiques sont un Mécanisme de financement d’urgence en cas de pandémie (Pandemic Emergency Financing Facility, PEF, en anglais) – géré par la Banque mondiale – qui a été lancé en 2017 au lendemain de la crise Ebola qui a frappé la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone. L'objectif est d'offrir « une source de financement supplémentaire aux pays les plus pauvres du monde lorsqu’ils doivent faire face à une épidémie transfrontalière de grande ampleur », explique la Banque mondiale.

Ce document de 386 pages expose le fonctionnement de ce mécanisme et les conditions à remplir pour qu’une pandémie entraîne le transfert de l’argent au fonds spécial de la Banque mondiale.

Mais, contrairement au chiffre de « 2 000 morts » évoqué par l’auteur de la vidéo, la Banque mondiale indique ici que les conditions spécifiques d’attributions de ces fonds concernant la Covid-19 sont basés sur : «

  • l’ampleur de l’épidémie : le nombre total de cas existants est égal ou supérieur à 250, le nombre total de décès atteint 250 dans les pays IDA/BIRD et au moins 12 semaines se sont écoulées depuis le début de la flambée épidémique ;

  • Le taux de confirmation : le nombre de cas confirmés en pourcentage du nombre total de cas doit dépasser 20 % ;

  • Propagation transfrontalièrel’épidémie doit toucher plus d’un pays, avec au moins 20 décès dans chaque pays ;

  • Taux de progression positifle nombre total de cas dans les pays IDA/BIRDdoit augmenter à un rythme exponentiel, tel que confirmé par l’agent de calcul indépendant (AIR Worldwide) ».


Dans un communiqué du 27 avril 2020, la Banque Mondiale a annoncé le début des versements et du montant maximum à allouer à 64 des pays les plus pauvres touchés par la Covid-19.

Toutefois certains experts ont critiqué des conditions « trop strictes pour aider suffisamment tôt les pays touchés et des intérêts conséquents versés aux investisseurs ».

Une fausse affirmation sur les cas asymptomatiques attribuée à Raoult


L’auteur de la vidéo rapporte également que : « Didier Raoult a dit à Macron lors de sa visite à Marseille qu’on ne peut pas tester des personnes qui ne présentent pas de symptômes de la Covid-19 ».

Nos recherches nous ont permis de trouver la déclaration authentique.

Contrairement à ce que prétend l’auteur de la vidéo, la déclaration n’a pas été faite lors de la visite d'Emmanuel Macron chez Didier Raoult, mais plutôt dans une interview au magazine Paris Match, dont le site Gala a publié des extraits.

(Note: L'interview a été publiée dans la version papier le 30 avril, puis le 9 mai sur le site de Paris Match).

Répondant à une question du journaliste, Didier Raoult déclare : « […] en 2003, j’ai écrit un rapport sur les risques épidémiques, tiré de mes observations sur la réaction chinoise face à l’épidémie du Sras. Ici, en vingt ans, ils n’ont rien appris. Résultat, personne ne sait tester le coronavirus. Cela, Emmanuel Macron le sait très bien ».

Donc, le médecin marseillais n’a pas dit « qu’on ne peut pas tester des personnes qui ne présentent pas de symptômes de la Covid-19 ». Il faisait plutôt une « critique » sur le retard pris par la France, par rapport à d’autres pays, dans la réalisation des tests de dépistage alors que l’OMS avait demandé « aux pays de trouver, tester, isoler et soigner chaque cas, et de retracer chaque contact ».

Sur le site de l'IHU de Marseille, dirigé par Didier Raoult, il est précisé que « toute personne se présentant à l’IHU (symptomatique ou asymptomatique) peut se faire dépister ».

– Souleymane Diassy

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